Selon l’UNESCO, l’éducation a pour mission, « d’aider tous les individus à développer pleinement leurs talents et à réaliser leurs potentiels créatifs, y compris la conduite de leur propre vie et leur capacité de contribuer à la société [1] ». Faisant partie des Objectifs de Développement Durable (n°4), Madagascar n’est pas en reste pour les engagements internationaux dans la promotion d’une éducation de qualité. Parmi les secteurs de l’éducation considérer comme important où se concentre la majeure partie des jeunes Malagasy et qui constitue la base elle-même de l’enseignement est l’enseignement primaire.

Contexte et états des lieux

Une étude historique des reformes apportées dans ce secteur a permis de montrer le caractère instable du système éducatif Malagasy. En effet, changeant au gré du contexte politique national et international, ces changements ont eu des répercussions sur les résultats  scolaires mais également sur les méthodes d’apprentissage ainsi que les programmes scolaire. Dans les années 1960, le programme est jugé d’élitiste et s’appuie sur le programme français. En 1972, la montée du socialisme donne naissance au concept de « Malgachisation » qui est appliqué dans le domaine de l’enseignement (selon la Charte de la révolution socialiste). En 1991, la mondialisation a eu un impact dans l’enseignement ce qui a conduit à l’ouverture au plurilinguisme. Enfin, la loi de 2004 où l’enseignement se fait à partir de la langue Malgache et deux autres langues (à savoir l’anglais)[2].

Quant aux réformes pédagogiques, trois approches se sont succédés au cours des années. A savoir, une approche par pédagogie par objectif (de 1995-2003) ensuite une approche par compétence (de 2003-2008), enfin une approche par situation (2008-2014) et depuis 2015, retour au PPO.[3]

Quant aux réformes de politique de l’enseignement, en 2002, la politique de zéro redoublement est appliquée. C’est à travers son engagement numéro 3 que le programme Madagascar Action Plan promet la transformation de l’éducation dont les principaux projets sont : la création de 3000 salles de classe , formation de 7000 nouveaux enseignants par an , augmentation des subventions des FRAM , appui des initiatives locales par l’entretien des écoles communautaires, fonctionnelles, création dans les zones vulnérables des cantines scolaires , révision et reformulation des programmes de l’éducation primaire , formations des enseignants au nouvelles méthodes et innovations pédagogiques, renforcement formation des directeurs d’école, amélioration de l’enseignement à distance , production et distribution de nouveaux manuels et outils pédagogiques[4]. Selon la revue internationale d’éducation de Sèvre[5], les actions engagées depuis 2003, ont permis la hausse du taux net de scolarisation ainsi que d’obtenir un taux d’achèvement de 57% en 2006, un taux de réussite de 64,6% au CEPE. De même pour le nombre des enseignants qui est de l’ordre de 8 901 pour 42 000 élèves. Néanmoins, certains indices restent préoccupants, dont le degré de performances faibles, un important pourcentage de redoublement, et un taux d’abandon avoisinant les 20%.  

C’est en 2015, qu’une grande réforme dans l’enseignement est entamée, celle du Plan sectoriel de l’éducation (pour la période 2018-2022) dont la mesure phare est la création d’une éducation fondamentale de 9 ans suivant une réforme curriculaire. S’inscrivant dans le Plan National de Développement, le programme de l’éducation a pour objectif de se doter d’un système éducatif performant, conforme aux normes internationales en garantissant une éducation de qualité pour tous ainsi qu’une amélioration du niveau de satisfaction des usagers et de la fonctionnalité du système éducatif[6].Au dernière nouvelle , une initiative de création de revue voit les jour en juillet 2019 .Cette revue portant pour titre « revue de démarrage du plan sectoriel de l’éducation »[7] est censé apporter les informations concernant le déroulement du programme PSE. Malheureusement, classé sans suite, pour le moment, aucune information n’est disponible pour permettre un suivi évaluation du programme. Les données disponibles sont celles de 2016-2017 où le taux de promotion du niveau primaire est de 56,2%, de même, le taux de redoublement est de 25,6%, et le taux de d’abandon de 18,2%[8].A travers le manuel de programme de l’IEM, le constat est alarmant, à l’exemple de l’insuffisance de la qualité de la formation des enseignants, le temps d’apprentissage et de l’enseignement est insuffisant. De même, l’évolution du taux de croissance de la scolarisation est de moins 4% en 2017-2018 et un taux de rétention complétion de l’ordre de 29%.[9]

En ce qui concerne le programme du gouvernement actuel, le mot d’ordre est de garantir une émergence éducative. En effet, si l’on en croit le programme Initiative pour l’émergence de Madagascar, les actions, réformes et mesures à entreprendre seront focalisées autour de la modernisation des infrastructures, l’universalisation de l’éducation de base de qualité, formation du corps professoral etc. Dans cette même perspective, les actions prioritaires seront orientées pour le renforcement de capacité matérielle et humaine, et la mise en place de dispositif et de structure etc. Seul changement pour le moment est la reprise de l’ancien système et donc rejet des grandes lignes du PSE, l’ancien calendrier scolaire est donc maintenu[10].

Approche qualité de l’enseignement

Selon les rapports nationaux et internationaux, l’aspect quantitatif (accès)de l’éducation à elle seule ne pourrait suffire pour atteindre les objectifs prenant en compte l’aspect des valeurs humaines , c’est pourquoi , la qualité est mis en avant .elle peut être subdivisé en quatre : en premier , l’évaluation du niveau des acquis scolaire , en second , efficacité de l’utilisation des intrants , en troisième , la gestion des enseignants ( quantitatifs et qualitatifs) , en quatrième , gestion des ressources éducatives autres qu’enseignants. A ce sujet , les dernières données remontent en 2016 démontrant ainsi le faible compétence des élèves en lecture , français , malagasy et mathématique ainsi que l’insuffisance du nombre d’enseignant[11] .De même les tests et enquêtes réalisées par le PASEC[12] en 2017 a fait également le même constat et en ajoutant , le faible niveau des enseignants FRAM et la nécessité d’acquisition des supports de cours (manuels )[13] .D’ailleurs le taux d’achèvement du niveau primaire ne cesse de diminuer entre 2009 et 2016 soit entre 70 à 75% en 2009 et de 65 à 70% en 2016 [14]

Pour clore cette partie, selon le rapport du PASEC en 2015, « un système éducatif efficace permet à tous les enfants de disposer des compétences et attitudes attendues (fixées par les programmes scolaires) en fin du cycle primaire. Dans le cas des évaluations PASEC, un système est efficace lorsqu’il permet à tous les enfants ou à une grande majorité d’entre eux d’atteindre ces compétences de base afin de poursuivre sereinement une scolarité primaire et secondaire ».

De même, « un système éducatif équitable tend à réduire les inégalités de scolarisation et de réussite scolaire entre différents profils d’élèves, entre différents types d’écoles et entre régions. Une juste répartition des moyens éducatifs entre les régions et entre les écoles à l’intérieur des régions est un premier pas vers cet objectif ».

Analyse du budget

 Concernant l’aspect financier du secteur, la part du budget alloué au ministère de l’éducation (en pourcentage du budget total) est en baisse en 2015 soit de 15%  ( 22% pour 2014) .A travers le document « budget des citoyens » le budget de alloué à l’éducation est de 157,2 Milliards d’Ariary (Projet loi de finance 2020 ) ce qui indique une hausse 10,4% par rapport à La loi de finance rectificative de 2019 ( 1 506,3 Milliards d’Ariary) . Le budget sera utilisé pour la construction d’infrastructure, le recrutement de maitres FRAM, et la dotation d’équipement aux établissements[15] . Durant la période de 2014-2018 le budget du Ministère de l’éducation nationale ne représente que 2% du PIB, ce qui est faible vu l’importance de ce secteur. D’autres  part, il existe un réel écart entre le Cadre moyen des dépenses à Moyen Terme (qui représente l’allocation prévue pour le ministère) et celui du programme Plan sectoriel de l’éducation qui selon les estimations est de 50 millions USD en 2020 .Or le financement interne est insuffisante. Quant au financement externe , les prévisions montre une baisse du pourcentage obtenu par le Ministère de l’éducation , soit de 17,3% en 2014 et 6,5% .En 2018, la loi de finance 2020 , les prévisions de dépense pour l’éducation (fondamentale et alphabétisation ) est de 343 474 622 (en Milliers d’Ariary) (LFI 2020 ) et la loi de finance rectificative de 2020 est de 265 636 152 (en Milliers d’Ariary) avec une prévision en hausse de 316 651 056 (en Milliers d’Ariary) en 2021[16].Concernant le Programme d’investissement Public , le montant des subventions est de 84 918 000 (en Milliers d’Ariary) tandis que l’emprunt est évalué à 44 251 000 (en Milliers d’Ariary) pour l’éducation fondamentale de 9 ans.

Recommandations

Face à ses difficultés citées précédemment, selon les recommandations du rapport de l’Indicateur de Prestation de Services, des mesures sont à entreprendre pour l’amélioration de la qualité de l’éducation à Madagascar dont[17] :

Entre autres, il est aussi important que les enseignants en tant qu’acteur principal pour le développement de l’enseignement puissent vivre dans de bonne condition de travail pour permettre une éducation de qualité. C’est pourquoi la plateforme des Syndicats de l’Education propose un certain nombre de mesures (au nombre de 20) pour améliorer leur conditions de travail. Parmi ces mesures , « il y a l’élaboration et mise en œuvre d’un plan de normalisation de toutes les écoles sous abri précaire en impliquant les organisations syndicales d’enseignants ; la culture du quantitatif est en train de voir le jour au mépris du qualitatif , en matière de la qualité de l’éducation : un défi est à relever pour Madagascar où à peine la moitié des enseignants du primaire sont titulaires d’un certificat d’aptitude pédagogique (CAP) ou d’un certificat d’aptitude à l’enseignement (CAE) »[18].

Il existe aussi des innovations en matière de l’éducation. Comme le souligne le Partenariat Mondial pour l’éducation dans son rapport sur les résultats 2020 .Pour un système éducatif efficient, des études ont montré que l’apport en financement dans l’éducation contribue fortement au développement de systèmes éducatifs efficaces et efficients. Il en est de même pour La disponibilité d’enseignants de qualité prodiguant des enseignements efficaces, qui est l’un des facteurs les plus importants d’un système éducatif solide. Ensuite, Pour renforcer les systèmes éducatifs, il faut des données précises, récentes et exhaustives qui aident à l’élaboration de politiques publiques fondées sur des données probantes. Enfin, la nécessité d’un soutien financier pour le renforcement des systèmes éducatifs[19].

L’éducation est un sujet à la fois complexe et vaste, c’est pourquoi l’analyse s’est limitée à l’éducation formelle pour le secteur primaire sans pour autant dévaloriser l’éducation non formelle (alphabétisation etc) et les autres secteurs de l’éducation (secondaire, lycée, universitaire, formation technique et professionnel). Une phrase tirée du Madagascar Action Plan résume très bien l’importance de l’éducation dans le processus de développement d’un pays, « du point de vue social et civique, l’éducation est un droit pour le citoyen et un devoir pour l’Etat. Elle représente une étape nécessaire au développement de la société et à l’éradication de la pauvreté. Du point de vue économique, l’éducation est un investissement : aujourd’hui, elle représente une dépense qui servira à produire demain un supplément de richesse et de bien-être ». Pour le cas de Madagascar, il reste encore un long chemin à parcourir, des initiatives devraient être lancées dans ce sens pour l’information et la conscientisation des acteurs et de la population.

RANDRIANARISOA Tsiory / REFESIMANDIDY


[1] Note education Day du 24 Janvier 2020 « point sur l’éducation primaire », Alliance Française Tananarive

[2] Note education Day du 24 Janvier 2020 « point sur l’éducation primaire », Alliance Française Tananarive

[3] PASEC (2017). Performances du système éducatif malgache : Compétences et facteurs de réussite au primaire. PASEC, CONFEMEN, Dakar.

[4] Madagascar Action Plan, (2007-2012) , page 51

[5] Revue internationale d’éducation de Sèvres, « système éducatif de Madagascar »Velomihanta Ranaivo, Décembre 2007, page 3

[6] Plan National de Developpement (2015-2019) – 2 avril 2015

[7] Revue de démarrage du plan sectoriel de l’éducation, plateforme national de pilotage du secteur Education, juillet 2019, https://lexpress.mg/13/08/2019/plan-sectoriel-de-leducation-les-grandes-lignes-des-reformes-rejetees/

[8] Plan Emergence Madagascar 2019-2023, version 09/09/2019-04h

[9] Plan Emergence Madagascar 2019-2023, version 09/09/2019-04h

[10] Plan sectoriel de l’éducation : grandes lignes des réformes rejetées, Express Madagascar, consulté le 28 octobre 2020, https://lexpress.mg/13/08/2019/plan-sectoriel-de-leducation-les-grandes-lignes-des-reformes-rejetees/

[11] Rapport d’Etat du système Malgache « une analyse sectorielle pour instruire PSE 2017-2021 » Fevrier 2016

[12] Les tests PASEC sont une mesure externe des systèmes éducatifs, et ont été développés pour mesurer l’ensemble des compétences fondamentales acquises tout au long du cycle primaire et jugées indispensables pour maîtriser de façon durable la lecture (comprendre un texte et savoir en extraire des informations explicites et implicites) et les principes mathématiques de base (savoir compter, résoudre des opérations et des problèmes mathématiques, connaitre les concepts de géométrie et de mesure de base).

[13] PASEC (2017). Performances du système éducatif malgache : Compétences et facteurs de réussite au primaire. PASEC, CONFEMEN, Dakar.

[14] Analyse Budgétaire de l’éducation nationale 2014-2018, UNICEF, CCOC, Octobre 2018    

[15] BUDGET DES CITOYENS Olfi 2020 , Ministère de l’économie et des Finances – UNICEF

[16] Document budgétaire, Annexe à la loi N°2020-010 portant LFR 2020 , Tome 2 , page 161/469

[17] Indicateur de prestation de Services – Mars 2017

[18] « Mesures des enseignants pour l’amélioration de leur condition de travail »https://www.lakroa.mg/item-876_articles_education_18-les-20-mesures-des-enseignants-pour-l-amalioration-de-leur-condition-de-travail.html

[19] Rapport sur les Résultats 2020 , Partenariat Mondial pour l’Education , 2020

Une réponse

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *