Souvent mis de côté dans les programmes et non priorisé dans les politiques publiques, la culture n’est considéré qu’à titre symbolique .Cependant, elle ne se limite pas seulement aux événements culturels, aux spectacles, à l’art mais constitue un véritable enjeu dans le processus de développement en tant qu’être humain mais également au sein de la société. La culture est un terme complexe car elle englobe plusieurs domaines variés. Définit comme « capital idéel et matériel d’une société » [1] , selon la commission de Mondiale de la culture et le développement, « La culture est la source de notre progrès et de la créativité, elle doit être entretenue avec précaution afin qu’elle grandisse et se développe »[2]. Une notion importante à ne pas négliger quand on parle de culture est celle de « patrimoine culturelle », qui selon l’Unesco recouvre les biens matériels (peintures, monnaies, monuments archéologiques, ruines, etc) et immatériels (rituels, traditions orales etc.) [3]
Etat des Lieux
Pour le cas de Madagascar, c’est en 2002 à traves le programme MAP (Madagascar Action Plan) que la notion de culture est introduite. A travers ce programme, le dirigeant affirme sa volonté d’honorer les patrimoines et les traditions culturels. L’objectif étant de créer une solidarité nationale ainsi que renforcer l’identité nationale. Plusieurs projets sont proposés à savoir la création et l’amélioration de centre culturel, la professionnalisation des artistes, promotion des forums et dialogues, le développement de l’éducation civique et citoyenne, participation universitaire, promotion des compétitions sportives nationales et internationales, organisation de manifestations etc.[4]. Cependant, il n’y a pas de rapport concernant la mise en œuvre du programme ce qui rend difficile le suivi des réalisations.
En 2005, la loi n°2005-006 portant sur la politique Culturelle Nationale est instaurée. Ainsi l’accès à la culture est reconnu comme un droit fondamental et la protection du patrimoine national matériel et immatériel est établit comme priorité national. Trois axes stratégiques sous-tendent la mise en œuvre de cette politique culturelle nationale, à savoir : (i) habilitation des sociétés malgaches ; (ii) favorise la synergie Etat, secteur privé et société civile ; (iii) mise en place d’une éducation favorisant le dialogue culturel, le respect mutuel, le développement et la paix durable et valorisant la culture et l’environnement. Selon le rapport de l’Unesco, les priorités nationales sont actuellement présentées à travers sept projets qui visent la création de musées, l’organisation d’un concours national de fanorona, le développement de l’industrie culturelle du livre et des écrits, le développement et la promotion des arts et la sauvegarde et valorisation du patrimoine culturel[5]. Concernant les réalisations durant cette période, le programme de préservation du patrimoine culturel en danger ( de l’UNESCO) a permis la réhabilitation du Musée des Arts et de l’Archéologie d’Antananarivo. De même, un inventaire des sites culturels en danger est réalisé. Outre ces réalisations, l’UNESCO dans le cadre d’un projet a également permis à l’inscription du bien des Forêt humides de l’Atsinana sur la liste du patrimoine mondial tout en favorisant le développement des communauté locale grâce aux appui dans le domaine de l’éducation mais aussi aux renforcements de capacité des agriculteurs. Entre autres, le Fonds International pour la Diversité Culturelle le financement de 31 projets en 2010.[6]
Au cours de l’année 2015, la définition d’une politique en faveur de la culture reste très floue. Une ligne est attribuée pour la valorisation du patrimoine culturelle au bénéfice des communautés au sein du Programme National pour le développement de l’article 4.6 de l’axe 4 du capital humain adéquat au processus de développement, mais ne contient ni les stratégies de mises en œuvre détaillées ni les moyens.[7] Dans son rapport de mise en œuvre des programmes (en 2015), le Ministère de l’Economie et du plan fait état des principales réalisations[8]:
- 07 patrimoines seulement sur les 15 ciblés ont été sauvegardés et restaurés, faiblesse causée par la réduction de l’enveloppe budgétaire de la LFR ;
- 29 manifestations culturelles représentatives des Régions sur les 35 prévues ont été soutenues ;
- 20 techniciens et opérateurs culturels sur les 45 ciblés ont été formés.
De même, dans le domaine du sport :
95.000 jeunes sur 60.000 ciblés ont été informés et sensibilisés en Santé de Reproduction des Adolescents (SRA) grâce à l’action menée par le Ministère en charge de la Jeunesse et les jeunes pairs éducateurs au niveau des Maisons Des Jeunes (MDJ) avec l’appui du FNUAP et de l’UNICEF
- 09 villages parmi les 15 ciblés ont bénéficié d’une implantation du concept sport pour tous, soit un taux de réalisation de 60% ;
- 20 groupements sportifs et associations des jeunes sur les 100 ciblés ont été dotés en équipement adéquats, les restrictions budgétaires n’ont pas permis d’atteindre l’objectif;
- 09 disciplines sportives sur 05 ciblées ont été appuyées ;
- 2 encadrements des jeunes sportifs ont été menés pendant le jeu Africain e le JIOI
Selon ce même rapport, 7 patrimoines ont été sauvegardés et restaurés, et les recettes estimées générées par les patrimoines culturels alloués aux communautés s’estiment à 143 253 312 Ariary[9].
En 2016, un article publiée sur le site de l’Unesco résume les principaux résultats et les défis de la mise en œuvre ainsi que les perspectives d’avenir concernant la convention de 2005, dont :
En matière de création et de production :
- Des biens culturels produits : recueil de 74 poésies éditées et publiées écrits par les jeunes, 748 159 produits de musiques et films confondus apposés d’hologrammes jusqu’en 2015, 26 festivals internationaux de jazz à Madajazzcar sont produits, la production de livres en jeunesse a triplé car les éditeurs se sont concentrés sur la publication en jeunesse pour promouvoir la lecture.
- Des artistes formés : 16 stylistes en design de mode, 200 jeunes musiciens en jazz depuis 2012, 5 ateliers de formation sur la filière musicale ayant formé une centaine d’opérateurs culturels malgaches sont organisés de 2012 à 2013, par des opérateurs culturels réunionnais.
- Des jeunes créateurs promus : 30 jeunes de 18 à 30 ans ont bénéficié du Programme Youth Cultural Leadership Training de l’ONG Saint Raphaël de Madagascar ; des festivals sont créés et organisés par les jeunes.
Pour la distribution, la diffusion et la jouissance :
- Des services culturels de distribution et de jouissance sont promus : 592 évènements culturels, 219 868 spectateurs, 288 ateliers et clubs, 63 000 spectateurs de la Fête de la Musique, 29 bibliothèques avec 40 764 inscrits, 302 919 prêts, 426 130 visites et une bibliothèque numérique accessible à tous les adhérents, par le réseau des Alliances Françaises à Madagascar.
- Des biens culturels sont diffusés : Des livres sont achetés par le Ministère de l’Education Nationale dans la liste de livres de lecture agréés en primaire pour les écoles en milieu rural, de plus en plus de gens achètent des livres lors de la foire du livre d’Antananarivo, de plus en plus d’associations ouvrent des bibliothèques en milieu rural à la demande de la population; entre 2008 et 2013, une centaine de bibliothèques ont été créées.
Pour la promotion des artistes et industries culturelles et créatives :
- Un statut des artistes est adopté.
- Plus de 25 artistes se sont produits sur les différentes scènes de spectacles dans la zone indianocéanie.
- Des peintres amateurs sont reconnus et promus grâce au catalogue des artistes peintres plasticiens.
- Plus en plus d’associations intègrent maintenant l’édition locale dans les dons grâce au plaidoyer international
Ces résultats ont contribué de manière significative à l’amélioration des activités dans le domaine culturel tout en mettant en avant l’importance de la culture.
Quant au gouvernement actuel, l’objectif est de promouvoir la culture et de renforcer l’identité nationale. Pour cela, une série d’action regroupée au sein d’un plan sectoriel (journée citoyenne, promotion et valorisation du patrimoine des traditions et de la culture Malagasy, programme d’appui à la création artistique et à l’artisanat, renforcement sauvegarde patrimoine culturel, création de centre de formation etc.) est mis en œuvre. En outre, il est aussi question d’intégrer l’ASEAN (Association of Southeast Asian Nation) qui a pour but de renforcer les liens culturels et économiques[10] .
Pistes à envisager
Une étude faite par le ministère de l’intérieur et de la décentralisation sur « la prise en compte de la dimension culturelle dans le développement local à Madagascar » met en avant le potentiel du tourisme culturel qui est source d’externalités et pouvant être ainsi bénéfique à plusieurs niveaux. Il s’agit donc d’une démarche de valorisation du patrimoine culturel. Mais pour cela, plusieurs actions sont à entreprendre[11] :
- Mise en place d’un système juridique adéquat tout en proposition la vulgarisation des textes et en attribuant les responsabilités des collectivités territoriales pour assurer le développement culturel
- Conception d’une politique incitative, d’émulation, de promotion et de valorisation culturelle au niveau national et local
- Mise en place d’un dispositif de valorisation et de promotion de la culture au niveau locale
- Identification et instauration de dispositifs/Mécanismes de financement de proximité pour les investissements liés aux projets culturels, la valorisation de l’exploitation du patrimoine et du tourisme culturel
En ce qui concerne l’artisanat :
- Amélioration de l’articulation entre intervention des Collectivités territoriales décentralisées et celles du ministère en charge de l’Artisanat
- Promotion de l’artisanat comme moyen d’inclusion et d’autonomisation financière des populations défavorisées
- Renforcement des capacités des artisans et valoriser leurs œuvres à l’échelle nationale et internationale
- Accompagnement des Collectivités territoriales décentralisées à la promotion de l’artisanat dans leur plan de développement
En matière de créativité, d’animation culturelle, et enseignement artistique :
- Favoriser l’enseignement de l’Art
- Accompagnement des Collectivités territoriales décentralisées à considérer le soutien artistique, production culturelle dans le plan de développement
- Réforme et vulgarisation des textes existants sur la créativité et l’animation culturelle (Politique Nationale de la culture de 2005 ou PNC, décret portant sur les évènements culturel phares ou ECP) et délibérer sur les mesures incitatives pour la promotion de la culture au niveau communal.
En matière de lecture publique et développement de la citoyenneté
- Revue du cadre législatif et réglementaire régissant les Collectivités territoriales décentralisées pour la prise en compte de la lecture publique
- Accompagnement des Collectivités territoriales décentralisées à considérer la dimension lecture publique dans leur plan développement local
Comme l’en témoigne le dossier n°81 de l’UNESCO, la culture est une solution durable pour l’avenir des villes urbaines. En effet, en instaurant des espaces publics et en faisant la promotion des activités culturelles, cela a diminué les écarts sociaux entre les classes, mais également a renforcé la cohésion au sein de la communauté. D’une part, la réhabilitation des patrimoines culturels a contribué à la sauvegarde et continuité de l’histoire et de l’identité des communautés tout en améliorant les ressources urbaines, mais aussi en impliquant les artistes et professionnels. D’autres parts, incubateur créatif et créateur d’emploi, la promotion de la culture stimule le changement. Entre autre, en améliorant les techniques artisanales traditionnelles, cela a permis d’autonomiser les familles participantes, sur les plans à la fois culturel et économique, et de renforcer considérablement les compétences des jeunes en matière de protection de la biodiversité[12].
En résumé, il n’y a pas de développement durable sans une composante culturelle forte, La culture, dans toutes ses facettes, qu’il s’agisse de patrimoine culturel ou de créativité, est étroitement liée à beaucoup des 17 objectifs de développement durable, notamment ceux qui concernent la réduction de la pauvreté, les villes durables, la durabilité de l’environnement, l’éducation, les sociétés inclusives, l’égalité des genres et la santé[13].Pour Madagascar , la culture ne devrait pas trop s’attarder sur les questions identitaire , certes , cela est primordiale afin de créer une cohésion, mais il y a également l’aspect socio économiques , qui demande un investissement considérables , de prise de conscience de l’importance de la culture ainsi qu’une d’une volonté politique. Cela sous entend, l’élaboration d’une politique, d’une stratégie, d’un dispositif de suivi. D’où l’intérêt de l’intégrer dans les programmes et plan de développement.
RANDRIANARISOA Tsiory / REFESIMANDIDY
[1] « Culturel – les enjeux de la culture Malgache » Extrait Madagascar Tribune – N° 5489 : Samedi 17 Février 2007
[2] http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/culture-and-development/the-future-we-want-the-role-of-culture/the-contribution-of-culture/ , consulté le 03 Octobre 2020
[3] http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/unesco-database-of-national-cultural-heritage-laws/frequently-asked-questions/definition-of-the-cultural-heritage/ , consulté le 03 octobre 2020
[4] Madagascar Action Plan 2002- 2008, page 108
[5] Document Unesco de Programmation – Pays Madagascar 2012- 2013, page 13
[6] Document Unesco de Programmation – Pays Madagascar 2012- 2013, page 21
[7] Plan National pour le Developpement 2015 – 2020, page 72
[8] « Rapport de Mise en œuvre des Programmes Année 2015 », MEP, page 90
[9] Rapport de Mise en œuvre des Programmes Année 2015 », MEP, page 128
[10] Document Initiative Emergence Madagascar, page 166
[11] « La prise en compte de la dimension culturelle dans le développement local à Madagascar » Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, 2015, page 66
[12] « La culture : la solution pour l’avenir des villes durables »Francesco Bandarin , sous directeur General pour la culture UNESCO, Patrimoine mondial n°81 , http://www.unesco.org/culture/culture-for-sustainable-urban-development/WH81-fr.pdf
[13]« La culture : la solution pour l’avenir des villes durables »Francesco Bandarin , sous directeur General pour la culture UNESCO, Patrimoine mondial n°81 , http://www.unesco.org/culture/culture-for-sustainable-urban-development/WH81-fr.pdf